Le français, c'est la langue de mes ravisseurs. Du plus loin que je me souvienne, ils étaient ravis de mes mots et de mes écrits. Et moi, je me débattais contre ce don immonde, la marque de la trahison, mon adhésion à la lésion infligée par l'étranger à ma famille. Il fallait mettre fin à la malédiction de la langue. Je mis un disque avec les chansons de Devdas et je montai le son le plus fort que je pus. Je réunis tous mes livres, tous mes écrits, je pris le briquet, j'allumai. Je retirai mes chaussures. Mon corps suivait les ondulations des flammes et de la musique. Une liste de course, une notice, une facture, je déracinais et brûlais toutes ces mauvaises herbes qui étouffaient ma vérité. Je mettais de côté les papiers d'identité, les diplômes... Et puis le feu se faisant cendres, la musique cessant de se faire entendre, je saisis les ultimespièces, qui allaient brûler comme bois de cercueil.
« Qu'est-ce que tu fais là ? »
C'était mon frère. Il avait arrêtémon geste. Après avoir longtemps sonné, il était entré par effraction.
Sa réponse, il l'obtint trois semaines plus tard. Après trois semaines de silence : « Je veux voir mon père ».